ATLANTA RHYTHM SECTION: Truth in a Structured Form (1989)
Certaines rééditions procurent un grand plaisir, d’autres moins. Dans quelle catégorie cet album d’ARS datant de 1989 se situe-t-il ? Difficile à dire ! Déjà, il faut prendre en compte l’aspect affectif. L’Atlanta Rythm Section a toujours occupé une place à part en raison de la qualité de ses compositions et du talent de ses musiciens, véritables Beatles du rock sudiste. Quand ce disque est sorti à l’époque, plus personne ne pensait que ce groupe reprendrait un jour le chemin des studios. Après huit ans de silence discographique (sept si on compte le successeur de « Quinella », l’excellent « Sleep with one eye open » qui n’a jamais vu le jour), cette parution avait redonné de l’espoir aux amateurs de bonne musique. En plus, malgré la présence de nouveaux membres, le noyau dur de la Section demeurait toujours en place (le chanteur Ronnie Hammond, le guitariste Barry Bailey et le pianiste Dean Daughtry). Cependant, beaucoup de fans avaient dû ressentir une certaine déception en écoutant cette production légèrement décalée par rapport au style du combo de Doraville. Là, il faut se replonger dans le contexte de l’époque. Á l’aube des années 90, le rock mélodique teinté de FM se vend assez bien et tout groupe qui veut sa part du gâteau se doit de suivre cette ligne de conduite musicale. On ne peut certainement pas blâmer les mecs d’ARS d’avoir emprunté cette voie, trop heureux de se voir offrir une nouvelle opportunité d’enregistrement. Il convient également de considérer le côté technique impeccable de cette réalisation. Bien qu’éloigné de la magie de l’âge d’or de l’ARS, ce disque reste d’un très haut niveau. Dès les premières notes d’« Awesome love », on comprend tout de suite la démarche : une rythmique plus moderne, un son de batterie boosté au maximum et des nappes de claviers. Mais la mélodie, la superbe voix de Ronnie Hammond et la six –cordes si particulière de Barry Bailey sont bien fidèles au rendez-vous. « Listen to the wind » (un rock au rythme soutenu dans le style de 38 Special) rappelle que l’on est à la fin des eighties tout en offrant un bon solo de la part de Barry. La superbe intro de guitare de « I want you here with me » (une ballade FM mid tempo) donne le ton : le groupe en a encore sous le pied ! Barry officie à la Stratocaster et balance quelques phrases bien senties tandis que la voix de Ronnie fait merveille. Il s’agit sans doute du titre se rapprochant le plus du registre de l’ARS de la grande époque. « What happened to us » reprend la même recette avec un solo de guitare très mélodique. « Every little bit hurts » sonne un brin ZZ Top (période « Eliminator » et suivants) tandis que « One way town » penche du côté du gros rock moderne (de l’époque, évidemment). « I’m not the only one » s’inscrit dans la lignée des « slow songs » fin 80’s (comme le « Second chance » de 38 Special). Parlant du gang de Jacksonville, une influence 38 se fait sentir sur « I’m going back » avec un super solo de Barry Bailey. Bon, avec le recul, c’était quand même encourageant ! Seule ombre au tableau, on déplorait l’absence du piano électrique Fender Rhodes de Dean Daughtry qui se contentait de napper les chansons de fonds de synthétiseurs. En résumé, il s’agissait d’un album qui se voulait dans l’air du temps mais réalisé avec classe et talent par d’excellents musiciens. Alors, cette réédition fait-elle plaisir ? Définitivement, oui ! Pour la qualité du son et des compositions. Pour la voix splendide de Ronnie Hammond et pour la guitare expressive de Barry Bailey. Et pour l’atmosphère particulière qui flotte sur cet album, pur produit des années 80 finissantes, une période musicalement troublée et faite d’incertitudes mais aussi d’espoirs. Nostalgie !
Olivier Aubry